Le 3 décembre 2019, les participants ont échangé autour des interventions de Pascal GLEMAIN : « Le tournant entrepreneurial de l’ESS, l’introduction des pratiques « managériales » ? et de Laurent GARDIN : « Les nouvelles hybridations de ressources, entre l’État et le marché »

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Dans un contexte de profonde mutation, le CIRIEC-France engage des débats publics sur les modèles économiques tournés vers l’intérêt collectif, les biens communs et la satisfaction des besoins des individus. Il s’agit d’analyser l’apport des acteurs de la sphère publique et de l’économie sociale et solidaire dans la transition économique, sociale et environnementale, et l’évolution de leur rôle et de leur place dans les territoires.

Les Agoras de l’ESS

Le 3 décembre 2019, les participants ont échangé autour des interventions de :

  • Pascal GLEMAIN (1) : « Le tournant entrepreneurial de l’ESS, l’introduction des pratiques « managériales » ?
  • Laurent GARDIN (2) : « Les nouvelles hybridations de ressources, entre l’État et le marché »

L’animation, assurée par Nadine RICHEZ-BATTESTI et Timothée DUVERGER, a posé les bases de la réflexion commune à l’ensemble des participants : « Les organisations de l’ESS (OESS) sont traversées par une rationalité économique (entreprises) et une rationalité politique (groupe-ments de personnes) qui fondent leur equilibre. Elles sont cependant aujourd’hui soumises à une injonction paradoxale, sommées, d’une part, de recourir davantage à des recettes marchandes face à la raréfaction des ressources publiques et, d’autre part, d’affirmer leur responsabilité sociale d’entreprise, tandis que de nouveaux acteurs viennent les concurrencer sur la recherche d’utilité sociale (entreprises à mission…).

En effet, le nouveau management public, qui se caractérise par l’essor des logiques managériales, concurrentielles et marchan-des, contribue à transformer les OESS, ce dont rend compte l’émergence de la notion de social business depuis les années 2000 et l’utilisation croissante du terme d’entrepreneuriat social. Cette deuxième « Agora de l’ESS » a permis de saisir les tendances, les risques et les enjeux autour du développement des logiques marchandes et managériales pour interroger les tensions entre l’hégémonie gestionnaire et les aspirations au changement social.

Ainsi, Pascal GLÉMAIN, parlant du tournant entrepreneurial de l’ESS, a souligné que, dans un contexte de montée en management, les organisations associatives présentent une appétence croissante à comprendre et à élaborer leur comptabilité. Il en résulte pour certaines une ambition à satisfaire une attente en reddition comptable qui feraient d’elles des « entreprises associatives » à part entière. D’autres appréhendent leur comptabilité dans l’optique d’une gestion plus efficace au service de la mesure de la performance du service rendu. Au moyen d’une analyse exploratoire dans le champ de l’insertion par l’économique, il a conduit une analyse critique approfondie de la comptabilité associative qui amènerait à un aménagement du plan comptable associatif et à de nouvelles pratiques en termes de valeur ajoutée sociétale.

Pour sa part, Laurent GARDIN, s’appuyant sur les travaux de Karl POLANYI, de Bernard EME et de Jean-Louis LAVILLE sur l’hybridation des ressources et sur la conceptualisation de l’économie solidaire, a approfondi les formes de réciprocité à l’œuvre, la question de l’hybridation des ressources en particu-lier dans les monnaies locales ou le mouvement associatif. Il a abordé les ressources des associations, entre financements publics qui connaissent une croissance de la place de la commande publique au détriment des subventions publiques et montée des financements privés provenant des ventes aux usagers et des cotisations des membres. Il a souligné l’incitation qui leur est faite de se rapprocher des entreprises capitalistes (mécénat, partenariat…) pour accroître la part des ressources privées afin d’équilibrer leur fonctionne-ment économique. De leur coté, les coopératives, les mutuelles voire les entrepreneurs sociaux peuvent être perçus comme répondant uniquement à des demandes solvables sur le marché ou sur les quasi-marchés, sans que l’on ne perçoive leur originalité de fonctionnement, par rapport à d’autres entreprises avec lesquelles ils sont en concurrence, si ce n’est la limitation dans le partage des excédents dégagés. Il indique l’intérêt d’étudier le modèle économique fondé sur une hybridation des financements privés et publics, avec une dimension réciprocitaire prise en compte a minima. Il conclut que cette dimension est à l’ordre du jour dans le cadre du renouveau des communs, l’utilisation des nouvelles technologiques de l’information et de la communication, la recherche de la participation des usagers dans les associa-tions, les initiatives solidaires sur les quartiers, le renouveau des universités populaires, les pratiques économiques parfois développées dans les Zones à défendre…

 Cette deuxième Agora de l’ESS complète les travaux menés lors de la première sur ESS et territoires et sera suivie par une troisième portant sur la question de l’ESS et l’Europe. Ces interventions montrent bien la nécessité devant laquelle sont les acteurs de l’ESS de réfléchir à de nouvelles pistes pour construire une parole commune et élaborer des actions qui prennent en compte toutes les problématiques de l’évolution nécessaire de l’ESS.Pour ce faire, sera organisée une rencontre entre chercheurs et praticiens, interagissant sur les recherches et sur les actions mises en place dans les territoires par les entreprises de l’ESS.

 (1) Pascal GLEMAIN – Maître de conférences – Enseignant-chercheur en Sciences de Gestion et en Economie Sociale & Solidaire – UFR Sciences Sociales-Département Administration Economique et Sociale (AES)

 (2) Laurent GARDIN – Maître de conférences en sociologie à l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis – UPHF, Chaire ESS Hauts-de-France