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Contribution scientifique de Rafael Chaves Ávila

Professeur d’économie à l’Université de Valencia (Espagne)
Membre du Conseil Scientifique du CIRIEC-International
CIRIEC-Espagne

Les gouvernements du monde entier adoptent une nouvelle génération de politiques d’économie sociale transformatrices qui soutiennent les coopératives, les entreprises sociales et les organisations similaires. Ces politiques sont plus systémiques, inclusives et participatives, et visent à relever des défis plus larges tels que le changement climatique, les inégalités et la résilience économique.

Faits marquants :

Au cours des quinze dernières années, de nombreux gouvernements ont institutionnalisé les politiques publiques pour promouvoir l’économie sociale, un secteur comprenant les coopératives, les associations et les entreprises sociales. Ces politiques de deuxième génération, également connues sous le nom de politiques de transformation pour l’économie sociale, se caractérisent par leur approche systémique et leur potentiel de transformation. Des facteurs clés tels que les changements dans les paradigmes de l’action gouvernementale, comme l’élaboration de politiques plus participatives et la décentralisation, ainsi que les crises mondiales, ont catalysé leur développement. Ces politiques adoptent une vision transversale de l’économie sociale, surmontant la fragmentation juridique des acteurs, et une vision multifonctionnelle des fonctions systémiques de ce secteur dans les économies.

Facteurs qui ont facilité le déploiement de ces nouvelles politiques

L’émergence et le déploiement de cette nouvelle vague de politiques publiques, également connues sous le nom de « politiques transformatrices d’économie sociale et solidaire », ont été marqués par un ensemble de facteurs systémiques qui ont redéfini le mode d’action publique et le rôle de l’économie sociale, en revalorisant cette dernière.

Les facteurs les plus importants sont les suivants :

  • un changement de paradigme de l’action publique, dans lequel, d’une part, l’élaboration des politiques a évolué vers un modèle plus participatif avec un plus grand espace pour les acteurs de la société civile, et, d’autre part des changements sont introduits dans la façon dont le gouvernement agit, en introduisant des innovations telles que l’approche politique axée sur les objectifs, une plus grande collaboration public-privé et l’augmentation de la proéminence des gouvernements régionaux et locaux.
  • un changement de vision de l’économie sociale, tant dans sa portée conceptuelle que dans son utilité sociale. En ce qui concerne le concept, on est passé d’une vision atomisée de l’économie sociale, divisée principalement en familles juridiques, d’une vision palliative de problèmes spécifiques, tels que ceux liés à l’emploi, au monde rural ou à la prise en charge des personnes défavorisées, par conséquent, d’un mécanisme de correction des défaillances du marché, à une vision large et transversale de l’économie sociale, dans laquelle elle constitue un modèle économique doté d’une capacité polyvalente de transformation du système, le rendant plus durable et plus inclusif.
  • un nouveau contexte politique, social et économique, marqué par la montée en puissance de gouvernements progressistes sensibles à l’économie sociale, un soutien accru des institutions internationales à ce modèle économique, l’action efficace de réseaux et d’alliances d’acteurs de l’économie sociale dans le plaidoyer politique, un contexte de croissance économique et de politiques budgétaires expansionnistes, ainsi que l’amplification des crises mondiales, telles que la crise climatique, l’accroissement des inégalités et la prolifération des conflits armés, qui ont mis en évidence la nécessité de nouveaux modèles économiques.

Quelles sont les politiques de deuxième génération dans l’économie sociale ?

Les politiques de promotion de l’économie sociale sont désormais des politiques publiques consolidées et structurées, avec des objectifs définis, des instruments spécifiques et systématisés, et des mécanismes d’évaluation et de suivi. À ce jour, de nombreux pays ont mis en œuvre des stratégies et des plans pluriannuels pour promouvoir l’économie sociale et/ou ont adopté une législation spécifique pour son développement. Les politiques transformatrices de l’économie sociale et solidaire se distinguent par leur alignement sur les nouveaux paradigmes de l’action publique et par une vision renouvelée du rôle de l’économie sociale.

Ses principales caractéristiques sont les suivantes :

  1. Le champ d’action de ces politiques est celui de l’économie sociale, conçu à partir d’une approche transversale et unitaire. Celle-ci est considérée comme une réalité plurielle mais commune, dépassant la vision traditionnelle fragmentée qui séparait les coopératives, les associations, les mutuelles et les entreprises de l’économie sociale.
  2. Les objectifs de cette politique sont liés à la perspective polyvalente de l’économie sociale qui génère une prospérité inclusive. L’économie sociale est considérée comme un facteur de changement doté de multiples fonctions systémiques, capable de générer de l’inclusion et de l’innovation sociale tout en répondant aux défis de la transition socio-écologique.
  3. La manière dont cette politique est mise en œuvre privilégie une collaboration étroite entre le secteur public et l’économie sociale, de la phase de formulation de la politique à la mise en œuvre des mesures.
  4. Cette politique est opérationnalisée par des instruments spécifiques de promotion de l’économie sociale, tels que des stratégies pluriannuelles de promotion, des campagnes de sensibilisation et de formation, des espaces de concertation et de dialogue entre le gouvernement et les acteurs de l’écosystème de l’économie sociale, et des instances de coordination interministérielle.

Facteurs limitant le déploiement de ces politiques

Malgré les progrès réalisés, le développement des politiques de transformation de l’économie sociale et solidaire s’est heurté à différents obstacles qui ont limité leur déploiement ou réduit leur efficacité. L’un des principaux obstacles a été la difficulté pour les gouvernements d’adapter leurs structures ministérielles et leur mode de fonctionnement à cette nouvelle politique publique. Le caractère transversal de l’économie sociale nécessite des approches interministérielles et de nouvelles formes de coordination institutionnelle, ce qui a généré des résistances et des difficultés dans sa mise en œuvre.

Durabilité et survie des politiques de promotion de l’économie sociale

Enfin, un aspect crucial est la survie de ces politiques. Celle-ci dépend à la fois de facteurs internes, tels que la continuité des alliances entre les acteurs qui les ont promues, et de facteurs externes, tels que le changement de cycle politique qui peut conduire à la montée de courants idéologiques et économiques réactionnaires, défavorables à l’économie sociale. Dans ce contexte, il est essentiel d’identifier les stratégies qui nous permettront de surmonter ces vicissitudes et de garantir la pérennité de ces politiques dans le temps.